Partager la publication "La lettre de motivation du stagiaire d’i-télé"
Depuis plusieurs mois déjà il fait trembler de nombreuses rédactions à travers l’hexagone, sa plume assassine a dores et déjà causée de nombreuses disparitions dans le métier et son oeuvre n’est pas prête de s’arrêter. Il est à Albert Londres, ce qu’Evelyne Dhéliat est à la météo, une violente et persistante dépression. Il est, le stagiaire de i-télé ! Document à l’appui, nous avons remonté les traces de ce nouveau type de journaliste de pointe qualifié de 0.0.
Afin que l’ampleur de l’épidémie qui menace de dévaster ce qui reste de vivotant dans le monde de la presse française vous devienne perceptible, nous avons mis la main en exclusivité sur l’agent pathogène de ce fléau, la lettre de motivation du fameux stagiaire de i-télé qui amena au patient 0, qui amena à la catastrophe. A la suite de la lecture de ce document, merci de prendre quelques instants afin de consulter une série de mesures sanitaires toutes simples de prévention et de lutte que nous mettons à votre disposition en cas d’exposition.
“Madame, Monsieur,
Je m’apelle Xxxx Xxxx et je suis actuellement étudiant en troisième année de Licence pro de journalisme par alternance et par correspondance depuis ma collocation de Ris-Orangis où ma télévision demeure allumée sur la numéro 16 toute la journée.
Fort de cette nouvelle expérience à temps plein et à durée indéterminée dans le monde de la presse audiovisuelle et après avoir assuré la rédaction en chef pendant 5 jours non-consécutifs du bimensuel “Les chuchotements de Palaiseau”, je me permets de vous adresser ma candidature eü égard à votre offre de stage publiée il y a quelques jours de cela (http://41.media.tumblr.com/ea90edb1a669635eca1f0c54d9173a78/tumblr_nevddldSf51slosyto1_1280.png).
Passionné par le monde de la presse et voulant ardemment persévérer dans cette voit, j’ai reçu il y a deux Noël de cela une liseuse grâce à laquelle je peux consulter n’importe quel article. Sur-informé, j’en demeure pour autant assez exigeant dans mes sources et ne manque pas de prendre la presse étrangère comme référentiel essentiel à ma culture. “The Daily News of Mickey” par exemple reste un pilier de l’actualité internationale en ce qui me concerne, puisqu’il reste accessible à tous tout en étant exigeant dans le traitement ; tandis que la chaîne d’information économique en continu “Bloomrang” me revient en tête dès que je pense économie. Parallèlement, je ne manque jamais de fact-checker toutes ces informations grâce à mon application mobile Wikipédia.
Dès lors, je suis très intéressé par votre offre de stage de “journaliste bandeau i télé” pour laquelle je pense détenir toutes les qualités requises tout en me permettant de porter à votre connaissance ma maîtrise d’un logiciel de graphisme libre de droit qui vous offre la possibilité de me confier, le cas échéant, quelques retouches artistiques si cela s’avérez nécessaire.
Dans l’attente d’avoir l’opportunité de connaître le fameux “esprit i-télé” qui règne dans vos murs et maintes et maintes fois vanté par l’ancien et glorieux directeur de la rédaction de la chaîne que fût Philippe Gildas, je reste à votre entière disposition pour tous renseignements complémentaires.
Cordialement.
Xxxx Xxxx“
Faites preuve de beaucoup de vigilance car à première vue, il peut s’agir d’une demande de stage comme vous pouvez être amené à en recevoir de nombreuses chaque et pourtant, c’est à celle-ci à laquelle il faut tout particulièrement prêter attention. A défaut de sentir toute la pugnacité d’un futur stagiaire avide de vouloir décrocher les précieux 554.40 € qui lui permettront de vivoter en région parisienne quand bien même l’actualité ne le forcera pas à déplier sa tente deux secondes au coeur de la rédaction pour y assurer sa mission, on ne prête pas attention à la contamination toute proche.
Pourtant, c’est avec des formes de lettres de motivation de ce type que de nombreuses rédactions à travers le pays viennent de se faire happer. BFM TV, depuis déjà un certains temps considérée comme présentant un champ favorable à sa prolifération, l’a signé depuis plusieurs mois déjà. Entre bandeaux hasardeux, informations erronées prononcées à l’antenne ou journalistes-policiers qui n’hésitent pas à mener l’enquête face aux téléspectateurs, les comportements déviants tendent à se généraliser. Du côté de i-télé, on ne sait même plus comment lutter contre le fléau. La partie de la rédaction dédiée à la confection des bandeaux d’information a été classée “zone 5”. Plus personne n’a le droit d’y entrer, le stagiaire y est désormais confiné.
Là où la menace prend de l’ampleur, c’est depuis la découverte d’une forme mutante de l’infection. Après la presse audiovisuelle, la sacro-sainte presse écrite commence elle aussi à souffrir ce mal et l’ironie du sort est que les premiers signes se sont vus apparaître à l’occasion de l’évocation de ce que l’on nomme désormais “le stagiaire de i-télé” (https://pbs.twimg.com/media/B31vuy6IQAEMiUz.jpg).
Avant de conclure, voici quelques règles de bon sens et d’hygiène médiatique que nous vous recommandons de suivre afin de lutter efficacement contre cette menace :
1 – que les demandes de stage soient reçues et traitées uniquement par des journalistes, seuls capables de débusquer la maladie, et non par des “pseudo journalistes”, “journalistes en cours de…”, “dernières promotions issues de l’ESJ ou pire, de l’EFAP, “pigistes qui n’ont rien à cirer du canard pour lequel ils grattent tant que la paye tombe”, etc.
2 – Munir chaque rédaction, voir même chaque bureau d’un Bescherelle. Si vous aussi vous voulez lutter efficacement, il ne faut jamais lésiner quant à son usage. Chaque doute de foyer infectieux grammaticale peut ainsi être dissipé. En cas de fort doute et si le prétendant suspecté d’être infecté se trouve face à vous, n’hésitez pas à lui administrer directement un bon coup de Bescherelle par la tête, ceci peut aider à définitivement l’éloigner du milieu de la presse.
3 – Lors de l’entretien (ou même à distance) ne pas hésiter à leur demander de dessiner, ça revient très fortement à la mode à ce qu’il paraît et beaucoup trouvent qu’avec un dessin on peut faire passer plus d’informations et mobiliser davantage qu’avec des mots et surtout le risque de contamination reste quasi nulle
La presse française vous remercie et vous souhaite bonne chance.